Mon journal de l'an 2001
A l’instigation de Georges Hupin, rencontre au Château Coloma de Sint-Pieters-Leeuw. Marc Steens qui devait présenter Le Grand Echiquier de Zbigniew Brzezinski ayant été convié pour demain dimanche n’a pas pu venir. Robert Steuckers a fort intelligemment passé hier de nombreuses heures avec lui pour fondre sa conférence avec la sienne et nous a remarquablement situé le vecteur turc-ottoman dans l’histoire européenne. Je suppose que Renaissance Européenne, organe de l’association Les amis de la renaissance européenne et de leur fraternité en donnera un compte rendu.
François Brigneau fête aujourd’hui ses 83 ans. Le mois dernier sortait de presses son dernier livre Mon Journal de l’an 2000[1], un régal. Celui que je considère comme le plus grand journaliste politique français du XXe siècle termine ce siècle en feu d’artifice autrement significatif que celui qui, stupidement, à Paris, a fait débuter l’an 2000. François Brigneau doit avoir à son actif quelque cinquante-cinq années de journalisme. Au cours de ces années, notre monde a probablement plus changé qu’au cours des cinq siècles précédents. Pas souvent en bien. Parfois en catastrophe. Après Alfred Fabre-Luce[2] et Benoist-Méchin[3], Brigneau, pour le décrire, joue dans la cour des grands. Des très grands. Il reste fidèle à lui-même, à ses amis, à ses convictions. C’est un homme d’honneur. Il ne retourne pas sa veste. Il connaît beaucoup de choses. Il a vécu. Pleinement. Stoïquement. Il assume. C’est un homme. Un vrai. Pour tous ceux de notre famille, c’est un ami. Un véritable ami.
Vendredi 1er juin 2001
La lecture de J’ai choisi la bête immonde de Martin Peltier[4] m’a fait revivre avec plus de nostalgie que de plaisir. Cette « auto-psy d’un fasciste » m’a moins plu que Jean-Marie m’a tuer de François Brigneau. Elle se résume admirablement en un petit paragraphe du livre : « Puis les écailles tombèrent des yeux. A la place de l’Himalaya de neige immaculée que nous rêvions s’élevait le rocher du Zoo de Vincennes dont le béton beigeasse se lézardait. ». Non, pour moi Martin Peltier n’est pas un fasciste. Pas plus qu’une bête immonde. Le fascisme a été magistralement défini par Maurice Bardèche[5] qui voit le courage, la discipline, l’esprit de sacrifice, l’énergie comme les qualités essentielles d’un fasciste. Qualités que je retrouve chez Brigneau mais pas toujours chez Peltier. N’est pas fasciste qui veut…
Pour l’anniversaire de mon père, nous sommes allés voir Pearl Harbor (USA, 2001) sorti aujourd’hui sur les écrans bruxellois. Ce film de Michael Bay d’une durée de deux heures et demie est sensationnel quant à la forme mais quelconque quant au fond. La première partie du film nous montre l’insouciance de la population de Pearl Harbor avant l’attaque japonaise et l’ébauche d’une histoire d’amour entre deux amis d’enfance (Ben Affleck et Josh Hartnett), devenus pilotes de chasse, et la même infirmière (Kate Beckinsale), histoire mièvre et banale avec trois acteurs qui semblent jouer pour eux-mêmes et entre qui le courant ne semble pas passer. La deuxième et meilleure partie montre de façon spectaculaire l’attaque surprise japonaise du 7 décembre 1941. Elle ne nous dit évidemment pas que Roosevelt était au courant de cette attaque (tout comme Churchill a laissé bombarder Coventry) et a laissé ses marines dans l’ignorance pour pousser les Etats-Unis d’Amérique à entrer en guerre. La troisième partie nous montre une revanche américaine menée par le colonel Doolittle sur Tokyo. Quel dommage que de tels moyens soient mis en œuvre pour ne montrer que le côté politiquement correct de l’histoire de la seconde guerre mondiale si riche en faits réels qui dépassent de loin la fiction !
Sur les conseils de notre ami Marc Laudelout, vu Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (France/Germany, 2001) du réalisateur Jean-Pierre Jeunet. La vie d’Amélie est simple : elle laisse son imagination vagabonder. Une agréable comédie de deux heures passées loin des sentiers battus, loin des productions américaines, avec des coups d’œil à des petits côtés des choses typiquement français. Un monde banal traversé par l’imaginaire que Pierre Gripari n’aurait pas renié. Audrey Tautou est remarquable dans le rôle d’Amélie et domine Mathieu Kassovitz, Rufus et Yolande Moreau. Un bon divertissement. Dans Libération (1/6) Philippe Lançon qui n’aime pas plus ce film que Serge Kanganski (Libération (30/5), dit justement que ce film est « la machine à rêves dans laquelle on saute à l’élastique en remontant par le second degré », en reconnaissant au film un caractère jubilatoire. Topoline (national Hebdo (7/6) qu’en réponse à l’affirmation lui déniant le droit de rire, « le peuple leur fait {dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain} un sourire d’honneur comme on le dit d’un bras du même nom ». Bien dit !
Suivi avec ravissement la Grand-Messe traditionnelle de 11h00 avec chant grégorien en l’église St-Joseph, square Frère Orban à Bruxelles. Appris[6] que cette merveilleuse église a été achetée par la Fraternité Sacerdotale St-Pie X, non pas, comme je le croyais erronément, à la Fabrique d’Eglise mais à un particulier orthodoxe décédé il y a une dizaine de jours. Il s’agirait de la plus grande église du monde appartenant à la Fraternité.
Le saint sacrifice de la messe y est célébré et suivi avec un respect émouvant. J’ai entendu Isabelle murmurer Je suis fière et c’est bien le sentiment que les fidèles devaient éprouver, un sentiment de fierté comme devant un grand moment de reconquête et de renaissance. Le sermon dit en chaire de vérité nous a fait sentir à quel point cet événement est devenu rare. Voir la plus grande partie des fidèles, vieux, jeunes, enfants confondus, communier avec ferveur nous a fait sentir comme un renouveau de notre enfance et de notre passé.
Décidément, après trente-trois ans, avec cette merveilleuse église St-Joseph, Bruxelles n’a plus rien à envier à Paris avec sa célèbre église St-Nicolas-du-Chardonnet, occupée depuis 1977. Et la Fraternité s’en trouve grandie. Pour notre plus grande joie et notre fierté ! Ceci ne diminue en rien mon attachement pour la petite chapelle Notre-Dame du Rosaire à Drogenbos et son sympathique abbé mexicain ni pour le prieuré de la Fraternité rue de la Concorde à Ixelles et ses merveilleuses nonnettes.
Lundi 18 juin 2001.
Tout a commencé par un petit passage de Boulevard Saint-Germain où Gabriel Matzneff nous apprend que la Société des Amis de Gabriel Matzneff qui a son siège à Bruxelles[7] compte parmi ses membres Christophe Gérard, directeur de la revue païenne Antaïos, qui partage son admiration pour l’empereur Julien et à qui nous devons une introduction, une traduction et un commentaire des fragments échappés au bûcher de Contre les Galiléens de l‘empereur Julien[8]. La lecture de cet ouvrage m’a laissé sur ma faim.
Et puis notre charmante voisine, Françoise Burnay, m’a fait lire L’empereur Julien ou le rêve calciné[9] de Jacques Benoist-Méchin. Et là, ce fut l’enchantement.
Julien, né en 331 connaît une triste enfance et n’échappe que par miracle au massacre des descendants flaviens ordonné par l’empereur Constance. Baptisé et élevé dans le christianisme, il lui préfère la philosophie néo-platonicienne, le culte des anciens dieux et se fait initier à celui de Mithra qu’il identifie au soleil Il est élevé au rang de Messager du Soleil et reçoit le baptême du sang. Sur l’intervention expresse de l’impératrice Eusébie, nommé César par Constance, qui limite toutefois fortement ses pouvoirs, Julien se révèle un véritable chef militaire, ne compte plus les victoires sur les Barbares, est nommé commandant en chef de toutes les armées en Gaule qu’il reconquiert entièrement et qu’il fait profiter d’un vaste plan de réformes. Les légionnaires gaulois le proclament Auguste. Il reçoit la nouvelle de la mort de Constance et les provinces d’Asie se rallient à lui.
Julien devient l’héritier incontesté de l’Empire. Il réforme l’Etat, il réforme la Justice , il réforme le protocole, il réforme la fiscalité, il réforme les postes, il réforme les Sénats municipaux, il réforme l’urbanisme, il réforme l’armée sur les étendards de laquelle brille le Soli invicto. Il supprime les privilèges accordés par Constance au clergé chrétien.
Ensuite, nouvel Alexandre, il s’en prend aux Parthes. Son armée franchit l’Euphrate puis le Tibre. Il est presque roi du monde. Mais il a divisé son armée en deux et Procope, à qui il a confié la direction de la seconde armée, ne vient pas au rendez-vous fixé[10]. Julien ne peut plus avancer seul.
Ayant atteint une limite qu’aucun homme ne peut dépasser, son armée entame la retraite. Un javelot blesse mortellement Julien au flan droit. Le foie traversé, Julien ne survivra pas ; il meurt à l’âge de trente-deux ans. Deux âmes sortent de son corps, celle de Julien et celle d’Alexandre.
La nuit tombe sur l’Empire gréco-romain. Christ vaincra Mithra. Le rêve de Julien est calciné. Comme le dit Alain de Benoist[11], « Même les rêves qui ne se sont jamais réalisés, on est heureux de les avoir faits » et Pierre Drieu La Rochelle[12] que « Sa patrie est amère à celui qui a rêvé de l’Empire. Que nous est une patrie si elle n’est pas promesse d’empire ».
[1] Auto-Edition FB, 21, rue Mademoiselle, 75015 Paris
[2] Journal de la France 1939-1944 et Journal de l’Europe 1946-1947, A l’enseigne du cheval ailé
[3] A l’épreuve du temps, 3 tomes, Julliard
[4] Editions I.C.M., s.d.
[5] Maurice Bardèche Qu’est-ce que le fascisme ? Editions Phythéas, 1995
[6] de la bouche d’Alain Escada, tout souriant pour l’occasion.